Métropole en devenir : pour quel avenir ? (13/12/2014)

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La Métropole marseillaise, ses flux, sa réalité, sa gouvernance, ses freins…

Aujourd’hui, Pensons le Matin présente la première des deux séances de débat sur la métropolisation. Cette session tente de cerner la réalité des flux humains, des capitaux, des marchandises qui circulent dans cet espace fortement inégalitaire. De même, sont abordées les orientations des élites économiques qui veulent placer Marseille dans l’espace concurrentiel des villes mondialisées. La loi métropole est votée depuis le 27 janvier 2014 : loi de modernisation de l’action publique. Le but de cette première séance est de faire le tour de la réalité de la métropole, vie quotidienne et gouvernance. Le débat donne la parole aux postures autant pro-métropole qu’anti-métropole…


Intervenants


  • Philippe LANGEVIN,

économiste, auteur de l’ouvrage « Aire métropolitaine marseillaise, encore un effort…» (2000 – l’Aube, la tour d’Aigues)

  • André DONZEL,

sociologue, auteur de l’ouvrage :« Le nouvel esprit de Marseille », (2014, l’Harmattan) ; et de « Métropolisation, gouvernance et citoyenneté dans la région urbaine marseillaise » (2001, Maisonneuve & Larose, Paris).

  • Didier Hauteville et Bernard Philippi :

deux représentants syndicaux des agents territoriaux


Regard sur la rencontre :

Philippe Langevin :

La métropole d’Aix-Marseille est un nouveau territoire qui recouvre un espace étendu de 3 173 km² occupé par près de deux millions d’habitants, riche en facteurs d’attractivité : position géographique, qualité de l’environnement, présence de villes motrices, de grands équipements culturels et scientifiques, du Grand Port Maritime de Marseille, de l’aéroport de Marseille-Provence, de vastes zones commerciales, d’industries motrices et d’un potentiel de haut niveau en enseignement supérieur et en recherche. C’est aussi un espace meurtri par un taux de chômage de deux points au-dessus du taux national, et dont près de 20% de la population disposent de très faibles ressources. Il est marqué par de fortes inégalités entre les conditions de vie de ses habitants et des écarts considérables entre les revenus médians.
Le caractère polycentrique suppose une intense mobilité, et incite à la concurrence entre communes. Le dessin des communes n’est pas pertinent ; il résulte d’un dessin des diocèses qui renvoie à une époque révolue. Ce territoire est aujourd’hui morcelé entre 93 communes et 6 EPCI (établissement public de coopération intercommunale) qui conduisent, depuis 2000, non sans résultats, leur propre politique économique. Le temps est venu de changer d’échelle. Cet espace n’est pas solidaire. Les territoires les plus riches n’accompagnent pas les plus pauvres. A cause d’une offre éclatée et très insuffisante en termes de transports en commun, les mobilités sont difficiles pour les actifs qui ne disposent que de faibles ressources. Chaque collectivité veut ses propres équipements, son propre PLU (plan local d’urbanisme), sa propre fiscalité, son propre programme de l’habitat, sa propre politique de l’environnement. Par rapport aux entreprises, chaque commune ou EPCI est en concurrence avec toutes les autres, met en avant sa fiscalité favorable ou ses zones d’activité remarquables, ou son paysage exceptionnel, ou encore son histoire passionnante, en ignorant les communes voisines. Et comme la situation sociale de Marseille est difficile, le discours dominant est dirigé contre la ville centre qui qualifie pourtant la métropolisation. Le discours banalisé de ceux qui ne veulent pas payer pour la cité phocéenne, qui pourtant leur donne sens, est affligeant.

Les déplacements domicile-travail de plus en plus longs et onéreux. La mobilité est au cœur du développement. L’espace des Bouches-du-Rhône est un territoire d’intenses déplacements : quotidiens avec la dissociation croissante entre lieu d’habitat et lieu de travail, réguliers entre lieu d’habitat et lieux de consommation ou lieux culturels, massifs avec les flux touristiques ; mais aussi très importants en matière de transports de marchandises, d’approvisionnement des entreprises et des commerces, de transports internationaux entre Méditerranée, Espagne et Italie. Ce territoire est en mouvement permanent. Les circulations se font dans tous les sens. Il est peu lisible.

A partir du moment où la décentralisation leur a accordé des pouvoirs économiques et d’aménagement, les communes ont dû faire face à leurs inégalités en termes de population et de ressources fiscales. Toutes n’avaient pas les moyens humains ou financiers de conduire des politiques économiques, d’emploi ou d’aménagement du territoire. Si les villes les plus grandes ont pu s’engager, d’autres n’en avaient pas les moyens. La réforme de l’intercommunalité de 1999 a marqué une avancée. Contre toute attente, sur un territoire où le dialogue est difficile, elle a réussi à regrouper des communes volontaires au sein de communautés plus vastes, ce qui ne veut pas dire toujours solidaires. Mais l’esprit de la loi n’a pas été respecté et ces regroupements ont été réalisés sur des bases politiques et financières et des dotations accordées par l’État. Ils n’ont pas pris en compte les aires urbaines, les déplacements domicile-travail, les zones d’emploi, les aires d’attraction commerciales, les bassins de vie ou d’habitat…bref, la vraie vie. Ils se sont dotés de services, d’aménagements, mais sans projets cohérents, sans projet d’ensemble. Le débat métropolitain est de tenter de dépasser l’absurdité d’un territoire imposé par l’Etat. La démarche n’a pas été centrée sur les habitants.

Entre temps, la mondialisation de l’économie a profondément et rapidement changé la donne. L’idée de politique économique locale s’est effacée devant l’ouverture au monde de toutes les entreprises, grandes ou petites, soumises à de nouvelles concurrences territoriales portant sur la fiscalité, l’offre de services, la qualité de l’environnement ou la gestion locale. Dès lors, le défi à relever est devenu celui de la cohérence entre territoires politiques du pouvoir et territoires économiques du développement.

Ici, c’est le territoire du verbe où on ne parle pas. L’image est différente de la réalité. Il n’y a pas de cohésion entre acteurs. C’est aussi un territoire de conflits, avec des politiques concurrentes. Dès le début, s’est installé un refus de débat entre les intercommunalités. L’idée de l’intérêt général dépassant le débat local ne s’est pas faite. C’est pour cette raison que l’Etat a initié la mission métropole, pilotée par Laurent Théry. La conférence métropolitaine de jeudi dernier a montré un travail d’expert très intéressant, mais aucune relation ne s’est constituée. Alors que, plus que jamais, nous avons besoin de fraternité pour inventer un nouveau modèle de développement, l’attitude de nombreux maires est décevante.
Certes, ceux qui s’opposent à la construction d’Aix-Marseille-Provence métropole ne sont pas des acteurs irresponsables du destin de leur territoire de légitimité. En défendant leur autonomie fiscale et leur PLU, ils estiment défendre l’intérêt des habitants de leur commune. Mais l’intérêt local n’est pas l’intérêt général. Le formidable potentiel de créativité, d’inventivité, de recherche d’Aix-Marseille-Provence, est gaspillé au moment même où nous en avons le plus besoin. Notre économie a pour singularité sa capacité à expérimenter. Inventons autre chose, avec des territoires plus pertinents. Un grand absent de ces débats : le citoyen. Laurent Théry veut penser que les élus parlent au nom des électeurs, or les taux d’abstention le contredisent. L’absence totale de construction civique est un vrai problème. Comment faire parler ceux qui ne parlent pas ? Il faut inventer autre chose, et retrouver l’aspect populaire.
Au sein de la métropole, il y a aussi « la France d’à côté », celle des demandeurs d’emplois, des précaires et des exclus d’un monde ; des communes sans ressources qui ont peur de celles qui en ont. Cette métropole-là n’est pas celle des experts et des techniciens qui réfléchissent à sa construction. C’est celle d’un grand nombre de ses habitants qui ne sont pas associés à la construction de leur avenir.

Croire que la croissance va revenir, que la compétitivité va nous sauver, que l’économie est celle du CAC 40, que tout se mesure, s’achète et se vend, que le bonheur ne dépend que du pouvoir d’achat, c’est faire, comme nous le rappelle Régis Debray, une erreur de calcul. Aix-Marseille Provence ne se ramène pas au nombre de ses habitants et de ses emplois, à des taux de chômage ou d’activité, à la liste de ses entreprises et de ses laboratoires de recherche. Ce territoire doit porter un projet de société. Nous avons besoin d’idéal, de morale, d’éthique, d’un dessein. Et comme, malheureusement, les politiques nationale et européenne ne nous conduisent pas vers un projet de cette nature, essayons, au niveau du territoire d’Aix-Marseille-Provence, de construire collectivement un espace de solidarité et d’inventivité.

André Donzel :

La question de la métropole est un sujet très discuté dans les milieux universitaires, déclare André Donzel, qui partage le diagnostic de Philippe Langevin : on ne peut nier la nécessité d’une réforme métropolitaine, particulièrement dans la région marseillaise. Le territoire métropolitain est effectivement sous-équipé et particulièrement inégalitaire ; les tendances aux disparités augmentent entre territoires, et entre groupes sociaux, à l’intérieur d’un même territoire. Plus qu’ailleurs, on a besoin d’une coordination politique à l’échelle métropolitaine permettant de combler les nombreuses déficiences en matière d’équipements et de services publics et de renouveler des processus de décision politique aujourd’hui fort peu concertés et transparents, en y insufflant plus de démocratie.
Par contre, André Donzel évoque des divergences avec P. Langevin sur l’analyse de la société politique locale. La société n’est pas si fragmentée : la moyenne des superficies communales est très élevée ; la coopération intercommunale, au travers des SIVOM, est très ancienne et très développée, prouvant que les élus ne sont pas inaptes à la coopération. Enfin, la mobilisation citoyenne existe : contre le TGV, contre les expulsions de la rue de la République, etc.
Mais « on ne réforme pas la société par décret », comme l’a écrit le sociologue Michel Crozier, il y a déjà quelques années1.Pour qu’une réforme devienne effective, l’autorité de la loi ne suffit pas ; il faut qu’elle soit reconnue comme légitime et fasse l’objet d’un consensus pour le plus grand nombre (Cf. rapport OCDE).

C’est loin d’être le cas aujourd’hui dans l’aire marseillaise, puisque cent-onze maires du département des Bouches-du-Rhône – sur cent-dix-neuf, – s’opposent au projet actuel du gouvernement, projet qui est loin de susciter l’adhésion des électeurs (cf. les résultats des dernières consultations). Au train où vont les choses, on risque fort de se retrouver en janvier 2016 avec une métropole administrée par un préfet extraordinaire, comme au temps du régime de Vichy.
André Donzel est donc plutôt sceptique sur le projet actuel de métropole marseillaise, qu’il trouve hors sol et relevant d’une problématique dépassée. Il estime que le projet proposé par le gouvernement n’est pas bon, ni dans sa conception, ni dans sa mise en œuvre et, qu’en l’état, il a peu de chance d’être applicable sur le terrain de l’aire marseillaise. Il ressemble à une sorte de « vente à la découpe des régions et des départements » bâclée et sans concertation. Il est donc urgent de se questionner sur la manière de mener cette réforme territoriale.

Pour qu’une institution politique soit viable, cela suppose que plusieurs conditions soient réunies :

  • des capacités opérationnelles importantes, financières et humaines, permettant d’assurer une offre élevée d’équipements et de services à l’échelle métropolitaine ;
  • une répartition équilibrée des pouvoirs entre composantes centrales et périphériques du périmètre métropolitain ;
  • une assise territoriale bien pensée, qui soit cohérente économiquement et compatible avec les formes organisées de la vie sociale à l’échelle locale.

C’est précisément sur ces trois points que le bât blesse dans le cas de la métropole d’Aix-Marseille, où l’on a réuni tous les ingrédients d’une métropole ingouvernable :

  • une insuffisance de moyens

Dans un contexte d’endettement élevé, le projet actuel laisse peu entrevoir une amélioration des capacités d’intervention des collectivités publiques dans l’aménagement du territoire métropolitain (qui réunit six des neuf intercommunalités du département) :

  1. baisse des dotations de l’Etat, déjà très faibles ; pas grand espoir d’obtenir un « Plan Marshall » pour Marseille (cf. le jeu de bonneteau du plan Ayrault, avec des dépenses déjà engagées dans le cadre de la politique de la ville)..
  2. pas de collectivité territoriale unique par absorption du département, comme dans le cas de la Métropole de Lyon.
  3. absence de ressources nouvelles (comme, par exemple, le Port qui restera sous le contrôle de l’Etat) ; peu d’espoir d’en avoir de nouvelles, par exemple sur les services urbains ou les réserves foncières qui sont en grande partie privatisés, notamment à Marseille.

Dans ces conditions, quelle plus-value attendre en termes d’équipements et de services métropolitains ? Si ce n’est ceux qui sont déjà programmés dans le cadre des SCOT intercommunaux existants.
On ne pourra, au mieux, que faire du saupoudrage, car le territoire de la métropole Aix-Marseille est extrêmement étendu : deux fois la superficie du Grand Londres, plus de quatre fois celui du Grand Paris, et plus de six fois celui du Grand Lyon ! Les ressources des métropoles sont inversement proportionnelles à leur taille en France : il y a là une incohérence de la réforme qui la décrédibilise fortement.

  • une structure de pouvoir déséquilibrée, très centralisée et fort peu démocratique

La pénurie globale risque d’aller de pair avec une injustice accrue dans la contribution des collectivités locales au projet métropolitain. L’harmonisation fiscale va faire en sorte que les petites communes industrielles de la périphérie, autour de l’Etang de Berre, mais aussi dans le pays d’Aix, devraient perdre les avantages qu’elles retiraient de leur taxe professionnelle ; en même temps, elles deviennent solidaires d’une dette contractée par des communes beaucoup moins vertueuses qu’elles-mêmes, en particulier Marseille. Pour certaines d’entre elles, c’est le risque d’un véritable « tsunami fiscal » (exemple : Fos sur mer, où les habitants ne payent pas de taxes d’habitation, alors qu’ils doivent supporter les nuisances de la pollution de l’air).
On pourrait imaginer des mécanismes de compensation politique ou financière de ce déséquilibre en faisant évoluer les structures intercommunales vers un régime plus fédéral, comme cela se passe dans l’actuelle communauté urbaine de Marseille Provence. Mais cette éventualité est peu probable dans le projet actuel de métropole, qui a une orientation beaucoup plus centralisatrice. La répartition des sièges est très favorable aux grandes communes : la CUMPM (communauté urbaine Marseille Provence métropole) devrait y être majoritaire avec 53 % des sièges et présente une vraie possibilité d’hégémonie (Marseille et Aix-en-Provence détenant les 2/3 des sièges). Le pouvoir de ces dernières risque fort de prévaloir dans les prises de décision, au détriment des petites communes qui freinent désormais des quatre fers leur entrée dans la métropole.

  • Un centralisme anachronique dans un contexte devenu polycentrique avec le développement des villes de l’Etang de Berre ou du Pays d’Aix qui se font concurrence.

C’est un fait qui avait déjà été détecté par Marcel Roncayolo, il y a quelques années (cf. son ouvrage L’imaginaire de Marseille qui vient d’être réédité). Il avait établi que la région marseillaise n’obéit pas au modèle « christallérien » de la métropole, où le centre domine la périphérie. Ce dernier avait sous-tendu la problématique des « métropoles d’équilibre » dans les Trente Glorieuses et reste encore largement dominant dans la pensée administrative française (malgré les tentatives de faire évoluer la théorie des pôles de croissance vers celle du « polycentrisme maillé », sous l’impulsion de Jean-Louis Guigou, lorsqu’il dirigeait la DATAR).
Dans les faits, c’est largement ce modèle polycentrique qui prévaut aujourd’hui dans l’expansion du phénomène métropolitain dans le monde. Un spécialiste américain du régionalisme métropolitain (Hank Savitch – qui connaît bien Marseille) a établi une typologie des formes institutionnelles de la métropolisation ; il en distingue trois grands types :

  • la métropole intégrée (Londres) : forte autonomie décisionnelle, capacités opérationnelles élargies, fort ancrage démocratique du pouvoir métropolitain (en apparence régime très présidentiel, mais démocratie représentative poussée, référendum, etc.).
  • la communauté urbaine (Barcelone, Lyon) : centralisation des fonctions générales d’équipement (voiries, infrastructures, etc.) et décentralisation du fonctionnement restant à la charge des communes. Le président de la métropole de Barcelone a été élu par les communes périphériques : ils se sont débrouillés pour équilibrer les pouvoirs.
  • la métropole polycentrique (Bruxelles, Marseille) : coordination verticale pour un nombre restreint de fonctions (transport, développement économique, environnement, études et planification, comme dans le « pôle métropolitain » proposé par les maires), mais préservation des réseaux de coopérations horizontales à l’échelle communale et intercommunale. Cette dernière configuration a encore du mal à être reconnue en France, compte tenu de la tradition fortement centralisatrice qui traverse son administration.

André Donzel pose alors la question centrale : comment faire pour que la métropole puisse fonctionner ?

  • Élargir le périmètre de la métropole au département

En premier lieu, il faut que le périmètre métropolitain s’étende à l’ensemble du département, et que se constitue, avec ce dernier, une collectivité territoriale unique sur le modèle lyonnais. C’est là une affaire de logique, non seulement sur le plan institutionnel (éviter la perpétuation d’un double pouvoir), mais aussi sur le plan économique.
Pour être viable, une métropole doit s’appuyer sur une région économique cohérente. La région économique marseillaise s’est constituée historiquement par la conquête du littoral proche (de la Ciotat à Port-Saint-Louis-du-Rhône), mais aussi par ce que le géographe Louis Pierrein appelait : « la marche vers le Rhône ». Cette idée avait sous-tendu, dès la fin du XIXe siècle, l’idée d’un « Grand Marseille », déjà esquissée par Paulin Talabot, et qui s’était réactivée, lors de la création de la zone de Fos dans les années 1970, dans celle de « Grand Delta », qui avait pour but de mieux articuler la région marseillaise à la vallée du Rhône. De ce point de vue, exclure la partie occidentale des Bouches-du-Rhône (pays d’Arles) du périmètre de la métropole est une aberration, aberration qui consacre l’enclavement relatif de Marseille dans le continent européen.
En incluant la totalité des communes du département des Bouches-du-Rhône dans le périmètre de la métropole, on assurera mieux son assise économique, surtout pour ce qui concerne la coordination de ses activités logistiques et portuaires, qui se développent de plus en plus sur ses marges (Cf. St-Martin-de-Crau où croît un grand pôle logistique européen), et qui rapportent des ressources. Depuis des années, l’Etat n’investit plus rien dans le Port : il serait utile de repenser son statut et de l’intégrer à la métropole.

  • Déconcentrer le pouvoir au sein de la métropole

Par ailleurs, la métropole doit mieux prendre en compte, dans son organisation, la diversité des territoires qui la composent et favoriser, en son sein, la subsidiarité. La mission métropole semble avoir pris acte de cette diversité, mais ne semble pas encore en tirer les conséquences pratiques.
Il faut déconcentrer le pouvoir au sein de la métropole.
Il faut, à cette fin, réhabiliter l’échelon des intercommunalités qui sont des espaces de mutualisation d’équipements et de services qui ont fait leur preuve : l’idée de « conseils de territoires » va dans le bon sens, à condition qu’ils soient dotés d’une fiscalité et d’un réel pouvoir opérationnel. Pour conforter cet échelon, il n’est pas exclu d’en faire évoluer les contours, de manière à équilibrer le poids relatif des conseils de territoire au sein de la structure métropolitaine. La récente étude de l’INSEE sur le fonctionnement de la métropole AMP laisse entrevoir une telle évolution en distinguant trois grands sous-ensembles présentant une forte interdépendance, en leur sein, en termes d’emplois et de conditions de vie : Marseille-Aubagne, Aix-en-Provence-Gardanne et l’Etang de Berre. Il s’agirait, là, de subsidiariser la gouvernance métropolitaine. Il faut également se préoccuper de la proximité politique, évidemment sans recherche de clientélisme.
Il faut aussi préserver l’échelon communal. C’est une illusion de croire que la métropolisation puisse s’affranchir de la proximité politique : c’est à cette échelle que se structure l’économie résidentielle qui constitue un moteur essentiel de la dynamique métropolitaine (entre 2/3 et 3/4 du PIB des métropoles), plus que le Port et l’industrie réunis.
Plus généralement, il faut rompre avec l’esprit centralisateur qui fait que la rhétorique de la réforme tourne de plus en plus à vide en France, au point de laisser le champ libre à tous les réflexes conservateurs.
Pour conclure, André Donzel affirme rejoindre Philippe Langevin, quant à la nécessité d’une réforme bien conçue, discutée, comprise et acceptable pour la population, et qui associe les citoyens. Les débats sont restés très centrés sur le petit cercle d’experts. Il suffit de déclarer qu’on est contre la métropole, et voilà, on est élu.


Didier Hauteville : syndicaliste FSU (CDU)

Didier Hauteville fait suite aux deux débatteurs pour reprendre quelques paradoxes :

  • les 113 maires sont contre, effectivement, mais pour de mauvaises raisons.
  • Lucien Weygand, président du Conseil général des Bouches-du-Rhône déclarait déjà en 1995 : « le bon périmètre de la métropole, c’est le département »
  • Le gouvernement parle de reprendre le dessin des périmètres existants, pour prendre en compte les vrais bassins de vie, ainsi que de vrais projets centrés sur la métropole. Si on prend l’exemple des transports, les contrats de plan État Région les prévoyaient, et ce projet pouvait être fait sans la métropole.
  • Au contraire la classe politique est très alliée, avec des alliances implicites, et maintenant explicites. Et pour de mauvaises raisons : les maires se sentent représentants de la démocratie, mais celle-ci ne se mesure pas au kilométrage. Ce n’est pas la proximité qui crée la démocratie. On prend des alibis (fiscal, etc…). On ne trouve pas les bonnes raisons pour s’opposer à la métropole. C’est pourquoi le débat public est difficile.
  • Un autre type d’acteur qui compose la métropole, ce sont les agents territoriaux. On en a peu parlé, les sénateurs viennent de les redécouvrir dans le cadre du texte en cours de vote sur l’indemnisation des régions.
  • Les élections du 4 décembre dernier sont aussi un peu paradoxales. Les résultats, qui concernent neuf mille agents, montrent trois forces syndicales majoritaires : en premier FO ; puis la CGT et FSU-SDU.FO et CFDT, qui sont réformistes, progressent 1 à 2 %, alors que les deux autres reculent sur le plan national.

Pourquoi et comment une expression syndicale sur la métropole ?
Parce que les syndicats défendent le service public. Et parce qu’ils défendent les agents. La réforme de Modernisation de l’Action Publique, qui fait suite à la RGPP (révision générale des politiques publiques), réduit les ressources des services publics, notamment en agents. C’est le processus : on donne de moins en moins de moyens au service public, qui va donc de plus en plus mal, puis on le privatise en pensant que le privé pourra faire mieux. Ce processus est appliqué pour tous les services publics : ceux industriels et commerciaux comme la Poste ; aussi pour les services publics sociaux, et même pour l’éducation. C’est un élément à introduire dans le débat sur la métropole, car je crois que le processus de métropolisation a quelque chose à voir avec la mondialisation, la gestion des services publics. Il faut défendre les modes de gestion en régie, car si les citoyens ont quelque chose à dire, c’est par la régie. Voir à ce propos le livre d’André Donzel, (« Le Nouvel esprit de Marseille », pp.40-42), sur la Société des Eaux de Marseille, citadelle qui perdure avec une autre forme. On ne peut pas contrôler les services publics délégataires. Quand on délègue un service public, cela signifie qu’on ne veut pas le contrôler : on le voit bien en matière de gestion de l’eau.

Quelques mots sur les discussions au sein du SDU.
Non seulement la question salariale, des statuts et des contractuels, mais également la question des droits sociaux sont importantes. Trois positions : à l’est, les sections syndicales étaient contre, parfois instrumentalisées (Aubagne) ; à l’ouest, les sections syndicales ne savaient pas. Au centre (Marseille), c’était plutôt pour. Aujourd’hui, ça a été tellement bien manœuvré que tout le monde est contre la métropole. Parce que les risques et les difficultés ont émergé. Comme le dit André Donzel, il ne faut pas faire la politique du « tous pourris », ni la course de lenteur (comme la réforme des rythmes scolaires à Marseille : du type – je fais tout pour ne pas être prêt, et après, dès lors que je ne suis pas prêt, je dis que la réforme est mauvaise). C’est la même chose pour la métropole : les élus ne font rien pour être prêts, et aujourd’hui on sait que la métropole ne pourra pas exister au 1er janvier 2016. Peut-être juridiquement, mais elle ne fonctionnera pas. Il n’y a pas le moindre schéma d’organisation. Les agents de MPM (Marseille Provence Métropole) n’avaient pas le droit de venir assister jeudi dernier à la 3ème conférence métropolitaine. Il y a deux ans, ils étaient poussés à y aller, mais pas ceux de la Région qui en étaient interdits.

Pour prévenir, l’essentiel réside dans l’information collective.
Allez voir le site2, c’est assez bien fait. Vous verrez des lettres d’information sur la métropole depuis novembre 2012, ce que sont les conseils de territoire, ce qui se passe quand on change d’employeur.
Dans les séances d’information collective, l’intérêt des agents, toutes catégories confondues, et la volonté de comprendre sont manifestes, de même que la volonté de défendre leur mission. Les agents du Département s’interrogent sur la question de l’action sociale (le gouvernement a beaucoup varié sur la question des départements, au gré des circonstances, pas au terme d’une réflexion), la question de la pauvreté dans les centres villes, et dans les villes moyennes. L’homogénéisation de la politique sociale se fait dans quel cadre ? Il y a trois mois, on parlait de supprimer les départements, quid des transferts de compétences ? Comment peut-on segmenter les compétences de l’action publique ? Idem pour les transports ou les collèges ?
Le dernier risque, c’est la captation par le politique. Un exemple : le président de la communauté d’agglomération de Salon s’est auto-institué porte-parole des salariés de la métropole, pour appuyer sa propre opposition. Les syndicats doivent donc se faire entendre et donner leur propre point de vue.

Bernard Philippi – syndicaliste CGT

Le personnel des services municipaux est craintif, et c’est paradoxal que ce sujet de métropole ne soit pas utilisé pour mobiliser la fonction publique territoriale. Les gens ont peur des pertes de prérogatives, de compétences. D’autant plus que cette question-là n’est pas amenée par les élus ; le cabinet du Maire a nommé, il y a trois mois, un fonctionnaire sur la question. Dans les services, on nous a demandé ce qu’on perd. Les élus sont dépassés, ils ne savent rien. Là, on touche le fond. Ces gens-là n’ont aucune exigence, (reconnaissance du travail fait) vous faites bien, c’est bien ; vous ne faites pas, c’est pareil, à tel point que parfois j’ai l’impression de travailler en libéral !

Deux idées qui nous font peur, hormis la concentration et la subsidiarité :

  • On va se retrouver dans une mécanique de fonctionnaires qui travaillent entre eux, qui sont tous certainement très brillants, mais qui ne verront plus le public. Je caricature l’idéal qui est de travailler dans un service public sans se faire « emmerder » par le public.
  • Le deuxième point c’est la complexité. Je travaille dans un service qui gère la qualité des eaux de baignade à Marseille. Je vous parle d’un déchet : s’il est à plus de 300 mètres du rivage, c’est le Préfet qui le gère. S’il rentre dans la bande des 300 mètres, là il est géré par le maire de Marseille. S’il arrive sur la plage, là c’est MPM qui le gère. S’il passe sur la pelouse, c’est à nouveau le maire qui le gère. S’il passe sur le parking, là c’est Marseille Parc Autos qui le gère. S’il passe sur le trottoir c’est à nouveau MPM. Parlons un peu de subsidiarité. Pour nous c’est ingérable, et ça développe le syndrome de la patate chaude qu’on refile à l’autre. Et des exemples comme ça, on en a des tonnes. Et c’est terrible.

Le débat est ouvert :

Il faut aller vers le débat public

François COSTE travaille à Marseille dans un domaine pour lequel on dépense 400 millions €/an, alors que ces dépenses sont décidées par seulement trois personnes. Le pouvoir des citoyens est absent. Le domaine en question est celui des transports publics. L’absence de débat public est dramatique. Il faut aller vers le débat public, avec un effort d’information du public, des expositions, des explications.

L’absence de ressources a légitimé la décision de la privatisation

Patrick Lacoste ajoute que des choix fondamentaux ont été faits concernant les transports, comme la gare souterraine à Saint Charles pour 2,5 milliards d’euros, alors qu’il existe d’autres alternatives, notamment avec celle de la Blancarde. Choix qui a des conséquences sur le développement de l’est de la région, pour compenser la LGV qui n’est pas décidée. Et l’Etat ayant peu de moyens, il a été décidé, « naturellement » de mettre en place un Partenariat Public Privé sur cette gare souterraine : ainsi, l’absence de ressources a légitimé la décision d’une privatisation !

Les gens n’ont plus confiance en leurs élus

Alain Bureau s’occupe du CIQ (comité d’intérêts de quartier) Arenc Villette. Pour lui, les gens n’ont plus confiance en les élus, surtout à Marseille, pour des raisons de corruption et de clientélisme. D’ailleurs, on entend M. Guérini, quand il inaugure un équipement, dire « c’est moi qui ai financé cet équipement » : la vie politique est réduite aux personnages, pas aux projets politiques. La démocratie qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas que de seulement voter. Le 3ème arrondissement est complètement abandonné : pas de crèche, écoles saturées, etc. Les gens se moquent du politique, quand ils sont dans des quartiers abandonnés. Notre CIQ ne fonctionne qu’avec quatre ou cinq personnes mobilisées ; quand on est plus nombreux, on braille et on ne fait rien. Les gens ne cherchent plus à construire leur quartier, ils n’ont plus confiance en rien.

A propos de redistribution inégalitaire…

A propos de redistribution inégalitaire, Patrick Lacoste invite à lire l’article sur Mediapart, et le même sur Marsactu3 paru il y a trois jours : « Jean-Noël Guérini est accusé d’utiliser l’aide aux communes pour entretenir les allégeances des 119 maires du département, de gauche comme de droite…..le Conseil Général redistribue l’équivalent de 6,50 €/an/par habitant marseillais et 310 €/an/par habitant de Velaux , par exemple, ou 285 €/an/par habitant d’Eyguières, soit dix fois moins pour Arles, …. l’écart serait de 1 à 15 … Or le Conseil Général entretient une forte opacité sur les critères et la répartition de cette aide devenue l’unique poche d’oxygène de maires étranglés par la baisse des dotations d’Etat et la crise. ».
C’est une redistribution à l’envers, l’argent pour les riches !

Il nous faut des élus qui aient le sens de l’intérêt général

Sur la question de la taille des territoires et la difficulté à gérer du fait de l’étendue d’une commune, Pascal Dincki pense que la taille est un faux problème ; il y a des charges fixes. Quant au Port, 1er de France, le problème vient du fait qu’il dépend de deux intercommunalités différentes. Lors d’une réunion à laquelle il a assisté dernièrement, à propos du logement, un maire s’opposait à l’idée de métropole, car il « n’aurait alors plus son quota de logements sociaux à distribuer à sa guise » Pascal Dincki conclut : «  entendre ça, c’est affligeant ! Ça me choque. Il nous faut des élus qui aient le sens de l’intérêt général et du bien commun, pas de leur propre chapelle. »

La pertinence du dessin des communes se pose

Philippe Langevin est en désaccord avec l’idée que les projets auraient pu se faire sans la métropole. Concernant les transports, Philippe Langevin estime que c’est faux : c’est le débat métropolitain qui permettra de faire ces grands projets. Il ne faut pas, effectivement, tomber dans le « tous pourri » ; mais le clientélisme du Conseil Général, qui est en train de réduire ses aides aux secteurs associatifs pour pouvoir financer les investissements aux communes, n’est pas neutre. Les élus font cela pour leur commune, ils pensent bien faire. C’est alors que la pertinence du destin des communes se pose.

Le même nombre de cantonniers à Marseille qu’en 1880

André Donzel précise que la taille des agglomérations peut avoir de l’importance : le coût en infrastructures est dépendant de l’étendue de la commune, les routes, les VRD (voirie et réseaux divers), les services. Le problème pour Marseille vient du fait qu’on n’a jamais décidé les ressources nécessaires pour nettoyer tout le territoire. Savez-vous qu’il y a le même nombre de cantonniers à Marseille aujourd’hui qu’en 1880 ? On n’a jamais augmenté le nombre de cantonniers ! Quand vous étendez le territoire, soit vous augmentez les ressources pour l’entretenir, soit vous dégradez le service. Et, a fortiori, ça a une incidence sur la métropole.

Si le cantonnier était amené à rencontrer tous les mois…

C’est aussi la question d’une gestion de la proximité. Pascal Dincki ajoute que ce n’est pas parce qu’il y a une métropole qu’il n’y a pas de gestion du détail. Marseille dans sa globalité n’a évidemment pas la taille d’une gestion locale pertinente. Il faudrait des segments d’environ 100 000 habitants peut-être, au sein de la métropole pour développer la proximité ; là le citoyen pourra être présent. Si le cantonnier était amené à rencontrer tous les mois ou tous les deux mois les habitants du quartier dans lequel il intervient, je suis sûr que ce serait mieux nettoyé, plutôt que dépendre d’une centralité éloignée. Ce n’est pas parce qu’il y a la métropole qu’il n’y a plus d’échelon local.

On demande à avoir la maîtrise d’usage

Claude Renard conteste l’abandon du quartier de la Belle de Mai, 45 000 habitants, sans maternité ni bibliothèque. On sait comment le 2e arrondissement a fructifié de l’abandon du 3e. L’une de nos grandes revendications est pour une maîtrise d’usage citoyenne, tout au long des processus, afin que les citoyens puissent avoir la parole. Le collectif « En marche et en démarche4 » recueille des propositions d’habitants de l’arrondissement pour préfigurer cet espace de démocratie locale. Nous avons été invités à participer à une concertation sur la gare métropolitaine autour de la Caserne du Muy, mais nous n’avons pas, à ce jour, d’outil qui nous permettrait d’appréhender les choix du « dialogue compétitif »: ce sont trois équipes d’architectes choisies qui vont participer à ce processus.
Depuis la loi de février 2014, des conseils citoyens peuvent être constitués sur les sites de politique de la ville : notre quartier du 3e devrait rentrer dans la politique de la ville, dont nous attendons les contours officiels. Nous nous heurtons à des rigidités graves concernant leur mise en place. Je crois beaucoup à l’échelle micro, par sa capacité d’organisation et de contrôle de l’organisation, qui peut poser la question des modalités participatives des citoyens. Les quartiers nord s’organisent au travers d’un collectif « PAS SANS NOUS », d’envergure nationale. Il y a urgence à s’organiser pour faire entendre notre voix, car les contrats de ville se construisent avec les conseils citoyens.

Faire émerger « le sentiment des usages métropolitains »

Pierre Alain Cardona  ajoute que, quelque temps avant la loi métropole, il y avait eu un travail élaboré par la société civile au travers des trois Conseils de développement : Aubagne, Marseille et Aix-en-Provence, qui ont travaillé ensemble, et qui ont poussé les élus à s’écouter. Et cette émergence d’intervention intelligente car non-caricaturale, institutionnelle et policée, représentait un processus intéressant. Puis la loi est arrivée, et ce processus a été balayé. Ces pôles métropolitains pouvaient être une première étape de la transformation douce et progressive de la métropole, en partant de l’existant. Cela fait tellement longtemps qu’on parle de métropole. Le gouvernement n’a pas saisi cette opportunité, d’institutionnaliser la démarche des pôles métropolitains, c’est dommage.
L’enjeu aujourd’hui est de savoir comment les citoyens peuvent s’approprier ce débat. Comment faire émerger le sentiment des « usages métropolitains » par les habitants de la métropole ? Ces usages métropolitains existent, et comment les exprimer ? Si nous en prenions l’initiative ? Il y a déjà des pistes : par exemple, autour du GR2013, vrai lien physique de la métropole ; c’était une vraie réussite de MP2013. Aujourd’hui, un collectif tente de la faire se prolonger.

Un gros travail d’éducation populaire

Rémy Duthérage, directeur du centre social du Panier, déclare : « la participation c’est mon métier !  Il faut d’abord faire un travail d’explication aux habitants, d’éducation, d’information sur ce qui se fait ailleurs pour comparer, se situer. C’est un gros travail d’éducation populaire, qui prend du temps. On entend beaucoup ceux qui sont contre, et pas ceux qui sont pour. Je ne vois pas comment aboutir à un vrai projet de métropole avec une gouvernance politique élue sur des projets communaux souvent concurrents. Il faudrait passer sur un suffrage universel, pour pouvoir élire des gens sur la base d’un projet métropolitain, avec un scrutin à deux listes. La seule viabilité de la métropole passe par là ! »

..être pour le principe et contre la manière dont il est appliqué …

Bernard Organini retient plusieurs indications de ces diverses interventions. D’abord « j’ai acquis les raisons qui me feraient penser pour la métropole, et contre la manière dont on la fait. Cette subtilité est importante, car la plupart des gens sont en général, soit pour, soit contre, c’est tout. Dans notre débat, j’ai entendu des raisons d’être pour le principe, et contre la manière dont les élus marseillais se posent en futurs dirigeants des autres, en écrasant les autres. Ce qui m’a semblé le plus intéressant, c’est la question autour du pouvoir ». Vision d’un pouvoir comme étant un caprice d’élus qui se disputent des positions acquises. Hannah Arendt dit, lorsqu’elle veut réhabiliter la politique : « le pouvoir c’est la capacité qu’ont les êtres humains à faire des choses ensemble, à se concerter ». Et je retiens ce que nous a dit notre débatteur de la CGT à propos de l’état d’esprit dans les services publics : le sentiment général d’impuissance, ce qui est l’exact contraire du pouvoir. Ce qui nous échappe, c’est que les élus ont également ce sentiment d’impuissance, ce qui montre une certaine déliquescence. »
Bernard Organini a l’impression que « pour beaucoup, la métropole est un échelon supplémentaire qui va encore plus nous échapper. Il y a urgence que nous puissions qualifier la métropole par des projets précis, comme celui des transports par exemple, ou le doublement de la gare Saint-Charles, ou le devenir de la caserne du Muy. Le débat public ne doit pas être pour du débat, mais sur des sujets réels, des problèmes précis, et pour nommer les enjeux. La métropole serait un espace possible pour définir les enjeux de notre avenir. Et embrayer immédiatement sur les échelons infra, comme les conseils citoyens indiqués par Claude Renard, qui permettent à cette métropole de ne pas se transformer en un super pouvoir sur lequel on n’aurait rien à dire. Ainsi, cela apportera une restauration de la décision du local, de la démocratie locale, autour de projets qui ont du sens à l’échelle métropolitaine. Ce serait une façon de retrouver notre puissance d’agir, y compris pour les fonctionnaires municipaux qui ne savent plus très bien quel sens donner à leur travail, et qui voient le service public « se passer du public ». On le voit pour les quelques-uns qui tentent d’aller à la piscine ! C’est ce qui pourrait nous permettre de nous ré-intéresser à la politique. »

La question de l’égoïsme

Patrick Lacoste propose d’aller ensemble à la piscine de Gémenos, qui est gratuite pour les habitants, qui ne payent non plus ni taxe d’habitation, ni impôts locaux ; il existe même une bourse municipale à Gémenos pour tous les étudiants, quels que soient leurs revenus ! L’idée de la métropole pose la question de l’égoïsme, au cœur du front réactionnaire contre la métropole. (La piscine est évidemment payante pour les non-résidents !)

La consultation internationale déresponsabilise les élus

Françoise Guyon évoque la consultation internationale d’urbanistes5 proposée par la mission Théry, pour 500 000 € mais sans lien avec le mouvement associatif ; sans aucun dialogue avec la population. Elle aura pour effet pervers de déresponsabiliser les élus. On devrait s’en saisir pour réagir.

Occuper l’espace public

Florent Chiapero, du collectif ETC, approuve en précisant qu’un certain nombre d’initiatives existent, qui pourraient être plus lisibles en se déroulant dans l’espace public physique : pourquoi ne pas, à partir de janvier 2015, occuper les places : implanter nos débats de Pensons le Matin sur la place Cadenat ? Et que les Brouettes s’installent aussi sur une place ? Et que Changer la Donne s’installe place Jean Jaurès ? Et que le bazar de l’Hypercentre s’installe place Louise Michel ? Il faut occuper l’espace public pour sortir de l’entre-soi dans lequel on est.

La suite de l’histoire est le 17 janvier 2015…

Didier Hauteville raconte que le déchet dont Bernard Philippi a parlé tout à l’heure, doit être traité. Et je fais le lien avec la séance prochaine, qui parlera du volet noir de la métropole, avec tout ce qui s’est passé à propos de l’incinérateur de Fos depuis 2002, pour arriver à la situation ubuesque où la mise à disposition du terrain pour l’incinérateur vient d’être annulée par le Tribunal Administratif. La suite de l’histoire est le 17 janvier, dans une autre matinée de Pensons le Matin, où l’on verra comment des phénomènes d’entente évidente entre des élus parviennent à ce que ce sujet soit le plus maltraité possible.

Pour conclure …Un referendum est impératif

André Donzel : la conclusion vient d’être dite. On n’a pas besoin de métropole hors-sol, bâclée, qui soit une caricature d’approche technocratique. L’enjeu est de réinjecter de la démocratie dans le processus, pour créer une institution politique légitime. Et c’est par le citoyen que sera légitimée cette institution politique, sinon elle ne sera pas politique.
L’enjeu préalable est donc de créer un espace civique, avec toute la pédagogie et les débats nécessaires pour décider démocratiquement. Un référendum est impératif : toutes les réformes métropolitaines ont été officialisées par une consultation de la population, comme celle du Grand Lyon. Ceci changerait la perspective d’approche du gouvernement et des élus.

Pour conclure …

Philippe Langevin : la métropole est peut-être un archipel, mais ce n’est pas une île. On a un projet pertinent à construire. Effectivement, il semble que la méthode ne soit pas la bonne. Il faut le considérer comme un projet de long terme. Ne pas se cantonner à des réserves fondées ; aller au-delà. Il faut conduire une démarche éthique, utopique, de solidarité, de fraternité, à conduire sur ce territoire, entre des communes en friche et celles défrichées, des territoires moteurs et d’autres oubliés. On a la capacité d’inventer quelque chose. Ce que disait Lamartine : « une utopie est une vérité différée ».

1 Michel Crozier (1974) « Où va l’administration française ? » – Paris – Les Editions d’Organisation
2 cliquez sur ce lien : CDU13 FSU
3  cliquez sur ce lien : aides aux communes du Conseil Général
4 cliquez sur ce lien : Brouettes et compagnie
5 « Consultation urbaine et territoriale pour proposer une vision future de la métropole Aix-Marseille-Provence et préfigurer quelques projets démonstrateurs de l’évolution désirée du territoire. Ces projets peuvent être de tous ordres : aménagement, mobilité, économique, culturel etc.. ». « La consultation ne correspond pas à un processus de mise en concurrence des professionnels pour l’obtention d’un seul marché ultérieur, mais à une démarche collective qui mobilisera trois équipes pluridisciplinaires pendant neuf mois, en 2015. Les trois équipes mèneront des études parallèles, en exécution de trois marchés publics distincts, ayant le même objet. Les trois équipes seront sélectionnées parmi celles admises à présenter une offre. La sélection se fera d’après les critères de jugement des offres. » Consultation internationale

Pour lire le dernier opus de la mission métropole, téléchargez sur le lien :la métropole en projets : intentions d’étape




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